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si noble et devenue maintenant l’héritière de sa famille avec un ton de hauteur qu’elle ne se fût peut-être pas permis si elle n’eût été sûre de la faveur du prince. Félize fut d’autant plus piquée de l’amertume de ses reproches, que, depuis qu’elle avait connu le comte, elle n’avait fait venir son amant Rodéric qu’une seule fois, et encore pour se moquer de lui. Dans son indignation, elle fut éloquente, et la bonne abbesse, tout en lui refusant de lui nommer sa dénonciatrice, donna des détails, au moyen desquels il fut facile à Félize de deviner qu’elle devait cette contrariété à Fabienne[1].

Aussitôt Félize résolut de se venger. Cette résolution rendit tout son calme à cette âme à laquelle le malheur avait donné de la force.

« Savez-vous, madame », dit-elle à l’abbesse, « que je suis digne de quelque pitié ? J’ai perdu entièrement la paix de l’âme. Ce n’est pas sans une profonde sagesse que le grand saint Benoît, notre fondateur, a prescrit qu’aucun homme au-dessous de soixante ans ne pût jamais être admis dans nos couvents. M. le comte Buondelmonte, vicaire du grand-duc pour l’administration de ce couvent, a dû avoir avec

  1. L’abbesse laisse deviner le nom de la dénonciatrice. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)