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l’autre étaient fort en colère contre Félize qui, disaient-elles, les méprisait. Le fait est que, depuis que Félize avait un sujet de conversation si intéressant avec Rodelinde, elle supportait avec une impatience mal déguisée, ou plutôt nullement déguisée du tout, la présence des autres religieuses. Elle était la plus jolie, elle était la plus riche, elle avait évidemment plus d’esprit que les autres. Il n’en fallut pas tant, dans un couvent où l’on s’ennuyait, pour allumer une grande haine. Fabienne, dans son étourderie, alla dire à l’abbesse que Félize et Rodelinde restaient quelquefois au jardin jusqu’à deux heures après-minuit. L’abbesse avait obtenu du comte qu’un soldat du prince serait placé en sentinelle devant la porte du jardin du couvent, qui donnait sur l’espace vague derrière le rempart du nord. Elle avait fait placer d’énormes serrures à cette porte, et tous les soirs, en terminant leur journée, le plus jeune des jardiniers, qui était un vieillard de soixante ans, apportait à l’abbesse la clé de cette porte. L’abbesse envoyait aussitôt une vieille tourière détestée des religieuses fermer la seconde serrure de la porte. Malgré toutes ces précautions, rester au jardin jusqu’à deux heures du matin parut un grand crime à ses yeux. Elle fit appeler Félize, et traita cette fille