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chacune de nous pensait devoir jouir du même degré de liberté que nous voyions prendre aux religieuses de notre temps. Or, je vous le déclare, monsieur le vicaire du prince, la porte du rempart était ouverte jusqu’à la pointe du jour et chacune de ces dames voyait ses amis en toute liberté dans le jardin. Personne ne songeait à blâmer ce genre de vie et nous pensions toutes jouir, étant religieuses, d’autant de liberté et d’une vie aussi heureuse que celles de nos sœurs que l’avarice de nos parents leur avait permis de marier. Tout a changé, il est vrai, depuis que nous avons un prince qui a été cardinal vingt-cinq ans de sa vie. Vous pouvez, monsieur le vicaire, faire entrer dans ce couvent des soldats ou même des domestiques, comme vous l’avez fait l’autre jour. Ils nous violenteront, comme vos domestiques ont violenté mes femmes, et cela par la grande et unique raison qu’ils étaient plus forts qu’elles. Mais votre orgueil ne doit pas croire avoir le moindre droit sur nous. Nous avons été amenées par force dans ce couvent, on nous a fait jurer et faire des vœux par force à l’âge de seize ans, et enfin le genre de vie ennuyeux auquel vous prétendez nous soumettre, n’est point du tout celui que nous avons vu pratiquer par les religieuses