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— Je la prendrai par la main ; vos gens oseront-ils lui faire violence ?

— Mes gens amèneront dans ce parloir elle et vous, Madame.

— Et moi ?

— Et vous même ; et si cela me convient, je vais vous faire enlever de ce couvent, et vous irez continuer à travailler à votre salut dans quelque petit couvent bien pauvre, situé au sommet de quelque montagne de l’Apennin. Je puis faire cela et bien d’autres choses. »

Le comte remarqua que les cinq femmes de chambre pâlissaient ; les joues de Félize elle-même prirent une teinte de pâleur qui la rendit plus belle.

« Voici certainement », se dit le comte, « la plus belle personne que j’aie rencontré de ma vie, il faut faire durer la scène ». Elle dura en effet et près de trois quarts d’heure. Félize y montra un esprit et surtout une hauteur de caractère qui amusèrent beaucoup le vicaire du prince. À la fin de la conférence, le ton du dialogue s’étant beaucoup radouci, il sembla au comte que Félize était moins jolie. « Il faut lui rendre sa fureur », pensa-t-il. Il lui rappela qu’elle avait fait vœu d’obéissance et que, si à l’avenir elle montrait l’ombre de résistance aux ordres du prince qu’il était chargé d’apporter au couvent, il