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hauteur, et pour laquelle le geôlier épargnait l’huile, éclairait seule cette chapelle sombre. Les yeux de Vanina erraient sur les tombeaux de quelques grands seigneurs du moyen âge morts dans la prison voisine. Leurs statues avaient l’air féroce.

Tous les bruits avaient cessé depuis longtemps ; Vanina était absorbée dans ses noires pensées. Un peu après que minuit eut sonné, elle crut entendre un bruit léger comme le vol d’une chauve-souris. Elle voulut marcher, et tomba à demi évanouie sur la balustrade de l’autel. Au même instant, deux fantômes se trouvèrent tout près d’elle, sans qu’elle les eût entendus venir. C’était le geôlier et Missirilli chargé de chaînes, au point qu’il en était comme emmailloté. Le geôlier ouvrit une lanterne, qu’il posa sur la balustrade de l’autel, à côté de Vanina, de façon à ce qu’il pût bien voir son prisonnier. Ensuite il se retira dans le fond, près de la porte. À peine le geôlier se fut-il éloigné que Vanina se précipita au cou de Missirilli. En le serrant dans ses bras, elle ne sentit que ses chaînes froides et pointues. Qui les lui a données ces chaînes ? pensa-t-elle. Elle n’eut aucun plaisir à embrasser son amant. À cette douleur en succéda une autre plus poignante ; elle crut un instant que Missirilli savait son crime, tant son accueil fut glacé.