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À cette vue, le ministre approcha le pistolet de son œil ; il allait tirer. Le jeune homme lui dit en riant :

— Eh quoi ! monseigneur, ne reconnaissez-vous pas Vanina Vanini ?

— Que signifie cette mauvaise plaisanterie ? répliqua le ministre en colère.

— Raisonnons froidement, dit la jeune fille. D’abord votre pistolet n’est pas chargé.

Le ministre, étonné, s’assura du fait ; après quoi il tira un poignard de la poche de son gilet[1].

Vanina lui dit avec un petit air d’autorité charmant :

— Asseyons-nous, monseigneur.

Et elle prit place tranquillement sur un canapé.

— Êtes-vous seule au moins ? dit le ministre.

— Absolument seule, je vous le jure ! s’écria Vanina. C’est ce que le ministre eut soin de vérifier : il fit le tour de la

  1. Un prélat romain serait hors d’état sans doute de commander un corps d’armée avec bravoure, comme il est arrivé plusieurs fois à un général de division qui était ministre de la police à Paris, lors de l’entreprise de Mallet ; mais jamais il ne se laisserait arrêter chez lui aussi simplement. Il aurait trop de peur des plaisanteries de ses collègues. Un Romain qui se sait haï ne marche que bien armé. On n’a pas cru nécessaire de justifier plusieurs autres petites différences entre les façons d’agir et de parler de Paris et celles de Rome. Loin d’amoindrir ces différences, on a cru devoir les écrire hardiment. Les Romains que l’on peint n’ont pas l’honneur d’être Français.