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parler. Au bout de peu d’instants de silence, son parti fut pris ; elle se fût trouvée indigne de Missirilli si elle ne l’eût pas quitté. Elle jouissait de sa surprise douloureuse quand il la chercherait en vain auprès de lui. Bientôt l’idée de n’avoir pu obtenir l’amour de l’homme pour qui elle avait fait tant de folies l’attendrit profondément. Alors elle rompit le silence, et fit tout au monde pour lui arracher une parole d’amour. Il lui dit d’un air distrait des choses fort tendres ; mais ce fut avec un accent bien autrement profond qu’en parlant de ses entreprises politiques, il s’écria avec douleur :

Ah ! si cette affaire-ci ne réussit pas, si le gouvernement la découvre encore, je quitte la partie.

Vanina resta immobile. Depuis une heure, elle sentait qu’elle voyait son amant pour la dernière fois. Le mot qu’il prononçait jeta une lumière fatale dans son esprit. Elle se dit :

« Les carbonari ont reçu de moi plusieurs milliers de sequins. On ne peut douter de mon dévouement à la conspiration. »

Vanina ne sortit de sa rêverie que pour dire à Pietro :

— Voulez-vous venir passer vingt-quatre heures avec moi au château de San Nicolô ?