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Quand Béatrix vit la bannière revenir vers la chapelle pour la prendre, elle dit avec vivacité :

— Madame ma mère est-elle bien morte ?

On lui répondit que oui ; elle se jeta à genoux devant le crucifix et pria avec ferveur pour son âme. Ensuite elle parla haut et pendant longtemps au crucifix.

— Seigneur, tu es retourné pour moi, et moi je te suivrai de bonne volonté, ne désespérant pas de ta miséricorde pour mon énorme péché, etc.[1].

Elle récita ensuite plusieurs psaumes et oraisons toujours à la louange de Dieu. Quand enfin le bourreau parut devant elle avec une corde, elle dit :

— Lie ce corps qui doit être châtié, et délie cette âme qui doit arriver à l’immortalité et à une gloire éternelle.

Alors elle se leva, fit la prière, laissa ses mules au bas de l’escalier, et, montée sur l’échafaud, elle passa lestement la jambe sur la planche, posa le cou sous la mannaja, et s’arrangea parfaitement bien elle-même pour éviter d’être touchée par le bourreau. Par la rapidité de ses mouvements, elle évita qu’au moment où son

  1. Le manuscrit italien reproduit plus longuement les paroles de Béatrix. Stendhal n’en donne que le sens. Et en marge du manuscrit il a écrit « Émotion. Tout cela serait rigoureusement évité en 1833. ». N. D. L. É.