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pour la dernière fois le service réciproque de nous habiller.

On avait dressé sur la place du pont Saint-Ange un grand échafaud avec un cep et une mannaja (sorte de guillotine)[1]. Sur les treize heures (à huit heures du matin), la compagnie de la Miséricorde apporta son grand crucifix à la porte de la prison. Giacomo Cenci sortit le premier de la prison ; il se mit à genoux dévotement sur le seuil de la porte, fit sa prière et baisa les saintes plaies du crucifix. Il était suivi de Bernard Cenci, son jeune frère, qui, lui aussi, avait les mains liées et une petite planche devant les yeux. La foule était énorme, et il y eut du tumulte à cause d’un vase qui tomba d’une fenêtre presque sur la tête d’un des pénitents qui tenait une torche allumée à côté de la bannière.

Tous regardaient les deux frères, lorsqu’à l’improviste s’avança le fiscal de Rome, qui dit :

— Signor Bernardo, Notre-Seigneur vous fait grâce de la vie ; soumettez-vous à accompagner vos parents et priez Dieu pour eux.

À l’instant ses deux confortatori lui ôtèrent la petite planche qui était devant ses yeux. Le bourreau arrangeait sur la

  1. La mannaja devait ressembler à l’instrument de mort français. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)