Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne professait que cette vie est une vallée de larmes et qu’il y a du mérite à se faire souffrir.

Je ne pense pas que le don Juan athénien pût arriver jusqu’au crime aussi rapidement que le don Juan des monarchies modernes ; une grande partie du plaisir de celui-ci consiste à braver l’opinion, et il a débuté, dans sa jeunesse, par s’imaginer qu’il bravait seulement l’hypocrisie.

Violer les lois dans la monarchie à la Louis XV, tirer un coup de fusil à un couvreur, et le faire dégringoler du haut de son toit, n’est-ce pas une preuve que l’on vit dans la société du prince, que l’on est du meilleur ton, et que l’on se moque fort du juge[1] ? Se moquer du juge, n’est-ce pas le premier pas, le premier essai de tout petit don Juan qui débute ?

Parmi nous, les femmes ne sont plus à la mode, c’est pourquoi les don Juan sont rares ; mais quand il y en avait, ils commençaient toujours par chercher des plaisirs fort naturels, tout en se faisant gloire de braver ce qui leur semblait des idées non fondées en raison dans la religion de leurs contemporains. Ce n’est que plus tard, et lorsqu’il commence à se pervertir, que le don Juan trouve une volupté exquise

  1. Édition de 1855 : du juge qui est un bourgeois ? N. D. L. É.