bien loin de là, mon cœur était rempli du plus vif mépris pour l’homme que j’admettais dans ma chambre. Ma faute fut uniquement d’ennui, et, si l’on veut, de libertinage. Songe que mon esprit, fort affaibli depuis la tentative inutile que je fis à la Petrella, où le prince que je vénérais parce que tu l’aimais, me reçut si cruellement ; songe, dis-je, que mon esprit, fort affaibli, fut assiégé par douze années de mensonge. Tout ce qui m’environnait était faux et menteur, et je le savais. Je reçus d’abord une trentaine de lettres de toi ; juge des transports avec lesquels j’ouvris les premières ! mais, en les lisant, mon cœur se glaçait. J’examinais cette écriture, je reconnaissais ta main, mais non ton cœur. Songe que ce premier mensonge a dérangé l’essence de ma vie, au point de me faire ouvrir sans plaisir une lettre de ton écriture ! La détestable annonce de ta mort acheva de tuer en moi tout ce qui restait encore des temps heureux de notre jeunesse. Mon premier dessein, comme tu le comprends bien, fut d’aller voir et toucher de mes mains la plage du Mexique où l’on disait que les sauvages t’avaient massacré ; si j’eusse suivi cette pensée… nous serions heureux maintenant, car, à Madrid, quels que fussent le nombre et l’adresse des espions qu’une main vigilante eût pu semer
Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/229
Cette page a été validée par deux contributeurs.