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abondance ? Hélène détestait sa lâcheté et sa pusillanimité :

— J’ai eu la faiblesse de dire un mot à ma mère, et le sang de Jules a coulé ; il pouvait perdre la vie dans cet assaut sublime où son courage a tout fait.

Les bravi admis au parloir avaient dit aux religieuses, avides de les écouter, que de leur vie ils n’avaient été témoins d’une bravoure comparable à celle du jeune homme habillé en courrier qui dirigeait les efforts des brigands. Si toutes écoutaient ces récits avec le plus vif intérêt, on peut juger de l’extrême passion avec laquelle Hélène demandait à ces bravi des détails sur le jeune chef des brigands. À la suite des longs récits qu’elle se fit faire par eux et par les vieux jardiniers, témoins fort impartiaux, il lui sembla qu’elle n’aimait plus du tout sa mère. Il y eut même un moment de dialogue fort vif entre ces personnes qui s’aimaient si tendrement la veille du combat ; la signora de Campireali fut choquée des taches de sang qu’elle apercevait sur les fleurs d’un certain bouquet dont Hélène ne se séparait plus un seul instant.

— Il faut jeter ces fleurs souillées de sang.

— C’est moi qui ai fait verser ce sang généreux, et il a coulé parce que j’ai eu la faiblesse de vous dire un mot.