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peut avoir cessé de m’appartenir, cette âme si naïve et si pure, dont j’ai vu naître les premières sensations d’amour ! Elle était pénétrée pour moi d’une passion si sincère ! Ne m’a-t-elle pas offert plus de dix fois de s’enfuir avec moi, si pauvre, et d’aller nous faire marier par un moine du Monte Cavi ? À Castro, j’aurais dû, avant tout, obtenir un second rendez-vous, et lui parler raison. Vraiment la passion me donne des distractions d’enfant ! Dieu ! que n’ai-je un ami pour implorer un conseil ! La même démarche à faire me paraît exécrable et excellente à deux minutes de distance !

Le soir de cette journée, comme l’on quittait la grande route pour rentrer dans la forêt, Jules s’approcha du prince, et lui demanda s’il pouvait rester encore quelques jours où il savait.

— Va-t-en à tous les diables ! lui cria Fabrice, crois-tu que ce soit le moment de m’occuper d’enfantillages ?

Une heure après, Jules repartit pour Castro. Il y retrouva ses gens ; mais il ne savait comment écrire à Hélène, après la façon hautaine dont il l’avait quittée. Sa première lettre ne contenait que ces mots : « Voudra-t-on me recevoir la nuit prochaine ? »

On peut venir, fut aussi toute la réponse.