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encore près d’une heure. Qui lui eût dit un instant auparavant qu’il abrégerait volontairement cette entrevue tant désirée ! Ce sacrifice déchirait son âme ; mais il pensa qu’il pourrait bien mériter le mépris même d’Hélène s’il répondait à ses politesses autrement qu’en la livrant à ses remords.

Avant l’aube, il sortit du couvent. Aussitôt il monta à cheval en donnant l’ordre à ses soldats de l’attendre à Castro une semaine entière, puis de rentrer à la forêt ; il était ivre de désespoir. D’abord il marcha vers Rome.

— Quoi ! je m’éloigne d’elle ! se disait-il à chaque pas ; quoi ! nous sommes devenus étrangers l’un à l’autre ! Ô Fabio ! combien tu es vengé !

La vue des hommes qu’il rencontrait sur la route augmentait sa colère ; il poussa son cheval à travers champs, et dirigea sa course vers la plage déserte et inculte qui règne le long de la mer. Quand il ne fut plus troublé par la rencontre de ces paysans tranquilles dont il enviait le sort, il respira : la vue de ce lieu sauvage était d’accord avec son désespoir et diminuait sa colère ; alors il put se livrer à la contemplation de sa triste destinée.

— À mon âge, se dit-il, j’ai une ressource : aimer une autre femme !

À cette triste pensée, il sentit redoubler