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était devenue comme une étrangère pour lui ; elle le traita presque avec politesse. En l’admettant dans le jardin, elle avait cédé presque uniquement à la religion du serment. L’entrevue fut courte : après quelques instants, la fierté de Jules, peut-être un peu excitée par les événements qui avaient eu lieu depuis quinze jours, parvint à l’emporter sur sa douleur profonde.

— Je ne vois plus devant moi, dit-il à part soi, que le tombeau de cette Hélène qui, dans Albano, semblait s’être donnée à moi pour la vie.

Aussitôt, la grande affaire de Jules fut de cacher les larmes dont les tournures polies qu’Hélène prenait pour lui adresser la parole inondaient son visage. Quand elle eut fini de parler et de justifier un changement si naturel, disait-elle, après la mort d’un frère, Jules lui dit en parlant fort lentement :

— Vous n’accomplissez pas votre serment, vous ne me recevez pas dans un jardin, vous n’êtes point à genoux devant moi, comme vous l’étiez une demi-minute après que nous eûmes entendu l’Ave Maria du Monte Cavi. Oubliez votre serment si vous pouvez ; quant à moi, je n’oublie rien ; Dieu vous assiste !

En disant ces mots, il quitta la fenêtre grillée auprès de laquelle il eût pu rester