rivales, leurs discussions, quoique sur un sujet si triste pour qui n’est pas animé par l’intérêt de la science et du problème à résoudre, amusaient quelquefois madame de Malivert, qui avait conservé un esprit vif et curieux. Elle les engageait à parler, et grâce à eux, au moins de temps à autre, quelqu’un élevait la voix dans le salon si noblement décoré, mais si sombre, de l’hôtel de Malivert.
Une tenture de velours vert, surchargée d’ornements dorés, semblait faite exprès pour absorber toute la lumière que pouvaient fournir deux immenses croisées garnies de glaces au lieu de vitres. Ces croisées donnaient sur un jardin solitaire divisé en compartiments bizarres par des bordures de buis. Une rangée de tilleuls taillés régulièrement trois fois par an, en garnissait le fond, et leurs formes immobiles semblaient une image vivante de la vie morale de cette famille. La chambre du jeune vicomte, pratiquée au-dessus du salon et sacrifiée à la beauté de cette pièce essentielle, avait à peine la hauteur d’un entresol. Cette chambre était l’horreur d’Octave, et vingt fois, devant ses parents, il en avait fait l’éloge. Il craignait que quelque exclamation involontaire ne vînt le trahir et montrer combien cette chambre et toute la maison lui étaient insupportables.
Il regrettait vivement sa petite cellule de l’école polytechnique. Le séjour de cette école lui avait été cher, parce qu’il lui offrait l’image de la retraite et de la tranquillité d’un monastère. Pendant longtemps Octave avait pensé à se retirer du monde et à consacrer sa vie à Dieu. Cette idée avait alarmé ses parents et surtout le marquis, qui voyait dans ce dessein le complément de toutes ses craintes relativement à l’abandon qu’il redoutait pour ses vieux jours. Mais en cherchant à mieux connaître les vérités de la religion, Octave avait été conduit à l’étude des écrivains qui depuis deux siècles ont essayé d’expliquer comment l’homme pense et