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nese (c’est le Chinois), a-t-elle dit à son père qui se trouvait là. »

Si le système d’éducation suivi par ses parents, à l’égard de Beyle, a exercé une notable influence sur son caractère, sur la marche et la tendance de ses idées, on ne peut méconnaître celle, tout aussi décisive, pour ses facultés, qu’il dut à son existence sous l’Empire. Voyant de près les rouages de cette grande machine ; vivant à peu près exclusivement de la vie qui animait la partie active de la nation ; prenant part aux actes émanés de la pensée du puissant génie qui imposait ses lois à l’Europe ; nourri de l’esprit que projetait cet astre si resplendissant ; émerveillé de sa marche imposante, comme de la majesté de ses mouvements, on peut concevoir l’invincible dégoût dont Beyle dut être saisi à la vue de tout ce qui suivit cette grande époque ! Ne pouvant, ne voulant entrer en lutte avec aucun des renégats de toute espèce, entre lesquels s’éleva cette ignoble rivalité de platitudes, de lâchetés, de trahisons, Beyle prit un singulier parti : celui, comme on dit, de hurler avec les loups ; de rire de tout, de n’attacher d’importance à rien. Ceux qui ne le connaissaient qu’imparfaitement, ne manquèrent pas de l’accuser de versatilité, d’ingratitude, de dédain pour l’humanité, d’orgueil extrême, d’insensibilité, de penchants aristocratiques, etc. ; tandis qu’au fond et sans prétendre que le germe de tout ou partie de ces défauts ne fût pas en lui, on ne devait voir dans sa conduite que le développement de sa haute admiration pour Napoléon, aussi bien que la conscience de sa supériorité, et de la profondeur de ses observations, sur le temps où il vivait.

Après beaucoup de difficultés de la part de M. de Champagny, intendant de la maison de l’empereur, Beyle obtint la permission de faire la campagne de Russie, en 1812. Au milieu de toutes les préoccupations dont son esprit fut assailli pendant cette déplorable guerre, il s’attacha à l’examen physiologique de ces masses d’hommes, appartenant à tant de nations, et formant la grande armée. Aidé dans ses observations par le livre de Cabanis, il essayait l’application de ses doctrines sur les divers tempéraments, au fur et à mesure