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autres, cavalerie, infanterie, toutes les armes confondues cette fois sous l’uniforme lugubre de l’hôpital, il en fait un peloton ; il ouvre les portes et se précipite sur l’émeute. À la première décharge, tout se dissipa. (Revue des deux Mondes du 15 janvier 1843, page 266.)

Poursuivant ses succès, l’armée française faisait des pas de géant ; le 10 mai 1809, le canon gronda toute la journée autour du petit jardin de Haydn, à demi-lieue de Schœnbrunn ; quatre obus vinrent tomber tout près de sa maison ; sa vieillesse, déjà si ébranlée, ne put soutenir cette secousse ; il se figurait que Vienne, objet de son affection, serait mise à feu et à sang. Enfin, il rendit le dernier soupir le 31 mai. Quelques semaines après sa mort, on exécuta, en son honneur, le Requiem de Mozart, dans l’église des Écossais. Beyle, cantonné aux environs de Vienne, se hasarda à venir en ville, pour assister à cette touchante cérémonie, où nationaux et étrangers apportèrent un égal tribut de regrets à la perte que les arts venaient d’éprouver.

Tout en faisant une rude guerre à l’Autriche, Napoléon, pendant son séjour à Vienne, ne perdait pas de vue ses projets de mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise. Beyle, dont la capacité et la discrétion avaient pu être appréciées dans maintes circonstances, participa aux travaux et aux négociations qui précédèrent ce grand événement. Après la paix de Schœnbrunn, il revint à Paris. Cette glorieuse campagne apporta de notables changements dans sa position ; il se trouvait en relation habituelle avec grand nombre de personnages puissants, et M. le comte Daru semblait l’entourer d’une confiance qui, à elle seule, en faisait un homme important. Le malheur, c’est que le traitement d’adjoint aux commissaires des guerres, le seul dont il jouissait, était de 1,800 francs seulement ; que son père ne lui donnait qu’une somme égale, et que ses dépenses atteignaient, dépassaient même 20,000 francs. La fréquentation habituelle des hauts fonctionnaires de l’Empire, et la nature des travaux dont M. le comte Daru l’avait chargé à l’intendance générale de la maison de l’Empereur, ne lui permettaient guère de faire autrement ; c’est l’époque de sa vie où il a dépensé le plus.