Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XXIX


Ses maux les plus cruels sont ceux qu’il se fait lui-même.
Balzac.


Armance eût pu être trompée par ces avances polies, mais elle ne s’arrêta pas à penser au commandeur ; elle avait d’autres sujets d’inquiétude.

Depuis que rien ne s’opposait plus à son mariage, Octave avait des accès d’humeur noire qu’il pouvait à peine dissimuler ; il prenait le prétexte de maux de tête violents et allait se promener seul dans les bois d’Écouen et de Senlis. Il faisait quelquefois sept ou huit lieues de suite au galop. Ces symptômes parurent funestes à Armance ; elle remarqua qu’en de certains moments il la regardait avec des yeux où le soupçon se peignait plus que l’amour.

Il est vrai que ces accès d’humeur sombre se terminaient souvent par des transports d’amour et par un abandon passionné qu’elle ne lui avait jamais vu du temps de leur bonheur. C’est ainsi qu’elle commençait à appeler en écrivant à Méry de Tersan le temps qui s’était écoulé entre la blessure d’Octave et la fatale imprudence qu’elle avait faite en se cachant dans le cabinet près de la chambre du commandeur.

Depuis la déclaration de son mariage, Armance avait eu la consolation de pouvoir ouvrir son cœur à son amie intime. Méry, élevée dans une famille fort désunie et toujours agitée par des intrigues nouvelles, était fort capable de lui donner des conseils sensés.

Pendant une de ces longues promenades qu’elle faisait avec Octave dans le jardin du château et sous les fenêtres de ma-