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salon à l’instant. En prenant l’air dans le jardin, il rencontra le garde-chasse à qui il dit qu’il chasserait le lendemain de bonne heure.

Madame d’Aumale, ne voyant au salon que des gens graves, dont la conversation lui était à charge, prit son parti et disparut. Ce second rendez-vous sembla trop clair à la malheureuse Armance. Indignée surtout de la duplicité d’Octave, qui, le soir même, en passant d’une pièce à l’autre, lui avait dit quelques mots fort tendres, elle monta chez elle pour prendre un volume qu’elle eut l’idée de placer, comme le petit poème anglais, sur la poignée de la porte d’Octave. En avançant dans le corridor qui conduisait à la chambre de son cousin, elle entendit du bruit chez lui ; sa porte était ouverte, et il arrangeait son fusil. Il y avait un très-petit cabinet servant de dégagement à la chambre que l’on venait de préparer pour le commandeur, et la porte de ce cabinet donnait sur le corridor. Par malheur cette porte était ouverte. Octave se rapprocha de la porte de sa chambre comme Armance s’avançait, et fit un mouvement comme pour entrer dans le passage. Il eût été affreux pour Armance d’être rencontrée par Octave en ce moment. Elle n’eut que le temps de se jeter dans cette porte ouverte qui se présentait à elle. Dès qu’Octave sera sorti, se dit-elle, je placerai le livre. Elle était si troublée par l’idée de la démarche qu’elle osait se permettre, et qui était une grande faute, qu’à peine faisait-elle des raisonnements suivis.

Octave sortit en effet de sa chambre, il passa devant la porte ouverte du petit cabinet où se trouvait Armance ; mais il n’alla que jusqu’au bout du corridor. Il se mit à une fenêtre et siffla deux fois, comme pour donner un signal. Le garde-chasse, qui buvait à l’office, ne répondant pas, Octave resta à la fenêtre. Le silence qui régnait dans cette partie du château, la société se trouvant au salon du rez-de-chaussée et