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Ces propos pouvaient revenir à Octave, et avec la violence de son caractère, madame de Malivert prévoyait les scènes les plus pénibles et peut-être les moins possibles à cacher. Heureusement, rien de ce qu’avait rêvé son imagination un peu vive n’arriva, Octave ne s’était aperçu de rien. Armance avait repris l’égalité envers M. de Soubirane par quelques épigrammes détournées sur la vivacité de la guerre que dans les derniers temps les chevaliers de Malte faisaient aux Turcs, tandis que les officiers russes, avec leurs noms peu connus dans l’histoire, prenaient Ismaïloff.

Madame de Malivert, songeant d’avance aux intérêts de sa belle-fille et au désavantage immense d’entrer dans le monde sans fortune et sans nom, fit à quelques amis intimes des confidences destinées à discréditer d’avance tout ce que la vanité blessée pourrait inspirer à M. de Soubirane. Ces précautions excessives n’eussent peut-être pas été déplacées ; mais le commandeur, qui jouait à la bourse depuis l’indemnité de sa sœur, et qui jouait à coup sûr, fit une perte assez considérable, qui lui fit oublier ses velléités de haine.

Après le départ d’Armance, Octave, qui ne la voyait plus qu’en présence de madame de Bonnivet, eut des idées sombres ; il songeait de nouveau à son ancien serment. Comme sa blessure au bras le faisait souffrir constamment, et même quelquefois lui donnait la fièvre, les médecins proposèrent de l’envoyer aux eaux de Barèges ; mais M. Duquerrel, qui savait ne pas traiter tous ses malades de la même manière, prétendit qu’un air un peu vif suffirait au rétablissement du malade, et lui ordonna de passer l’automne sur les coteaux d’Andilly.

Ce lieu était cher à Octave ; dès le lendemain il y fut établi. Ce n’est pas qu’il eût l’espoir d’y retrouver Armance ; madame de Bonnivet parlait depuis longtemps d’un voyage au fond du Poitou. Elle faisait rétablir à grands frais l’antique