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nuscrits sont écrits en si mauvais latin, reprit madame de Bonnivet. — Peu intelligible peut-être pour nos savants, mais pas si mauvais. Vous seriez fort contente des lettres d’Héloïse à Abailard. — Leur tombeau était, dit-on, au Musée français, dit Armance, qu’en a-t-on fait ? — On l’a mis au Père-Lachaise. — Allons le voir, dit madame de Bonnivet, et quelques minutes après on arriva à ce jardin anglais, le seul vraiment beau par sa position qui existe à Paris. On visita le monument d’Abailard, l’obélisque de Masséna ; on chercha la tombe de Labédoyère. Octave vit le lieu où repose la jeune B***, et lui donna des larmes.

La conversation était sérieuse, grave, mais d’un intérêt touchant. Les sentiments osaient se montrer sans aucun voile. À la vérité, on ne parlait que de sujets peu capables de compromettre, mais le charme céleste de la candeur n’en était pas moins vivement senti par les promeneurs, quand ils virent s’avancer de leur côté un groupe où régnait la spirituelle comtesse de G***. Elle venait en ce lieu chercher des inspirations, dit-elle à madame de Bonnivet.

Ce mot fit presque sourire nos amis ; jamais ce qu’il a de commun et d’affecté ne leur avait paru si choquant. Madame de G***, comme tout ce qu’il y a de vulgaire en France, exagérait ses impressions pour arriver à l’effet, et les personnes dont elle troublait l’entretien diminuaient un peu leurs sentiments et, les exprimant, non par fausseté, mais par une sorte de pudeur instinctive, inconnue des gens communs, quelque esprit qu’ils aient.

Après quelques mots de conversation générale, comme l’allée était fort étroite, Octave et Armance se trouvèrent un peu en arrière :

Vous avez été indisposée avant-hier, dit Octave, et même la pâleur de votre amie Méry, en sortant de chez vous, me fit craindre que vous ne fussiez très-souffrante.