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les bras de Méry, je ne puis demander de conseils même à l’amitié la plus dévouée, et la plus vertueuse.

Pendant qu’Armance pleurait dans sa chambre, Octave, par un mouvement que, malgré sa philosophie, il était loin de s’expliquer, sachant que de toute la soirée il ne verrait pas mademoiselle de Zohiloff, se rapprocha des femmes qu’il négligeait ordinairement pour les arguments religieux de madame de Bonnivet. Il y avait déjà plusieurs mois qu’Octave se voyait poursuivi par des avances fort polies et qui n’en étaient que plus contrariantes. Il était devenu misanthrope et chagrin ; chagrin comme Alceste, sur l’article des filles à marier. Dès qu’on lui parlait d’une femme de la société qu’il ne connaissait pas, son premier mot était : A-t-elle une fille à marier ? Depuis peu même, sa prudence avait appris à ne plus se contenter d’une première réponse négative. Madame une telle n’a pas de fille à marier, disait-il, mais n’aurait-elle point quelque nièce ?

Pendant qu’Armance était dans une sorte de délire, Octave, qui cherchait à se distraire de l’incertitude où le plongeait l’événement du matin, non-seulement parla à toutes les femmes qui avaient des nièces, mais encore il aborda quelques-unes de ces mères redoutables qui ont jusqu’à trois filles. Peut-être tant de courage était-il rendu facile par la vue de la petite chaise où s’asseyait ordinairement Armance près du fauteuil de madame de Bonnivet ; elle venait d’être occupée par une des demoiselles de Claix dont les belles épaules allemandes, favorisées par le peu d’élévation de la petite chaise d’Armance, profitaient de l’occasion pour étaler toute leur fraîcheur. Quelle différence ! pensait ou plutôt sentait Octave ; comme ma cousine serait humiliée de ce qui fait le triomphe de mademoiselle de Claix ! pour celle-ci, ce n’est que de la coquetterie permise ; ce n’est pas même une faute ; là encore on peut dire : Noblesse oblige. Octave se mit