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On le traitait d’une façon toute nouvelle, surtout de fort grandes dames qui pouvaient voir en lui un époux pour leurs filles. Cette manie des mères de ce siècle, d’être constamment à la chasse au mari, choqua Octave à un point difficile à exprimer. La duchesse de *** dont il avait l’honneur d’être un peu parent et qui lui parlait à peine avant la loi, jugea nécessaire de s’excuser de ne pas lui avoir réservé de place dans une loge retenue au Gymnase pour le lendemain. — « Je sais, mon cher cousin, lui disait-elle, toute votre injustice pour ce joli théâtre, le seul qui m’amuse. — Je conviens de mes torts, dit Octave, les auteurs ont raison, et leurs mots piquants ne sont point entachés de grossièreté ; mais cette palinodie n’a point pour objet de vous demander une place. J’avoue que je ne suis fait ni pour le monde, ni pour ce genre de comédie qui, apparemment, en est une copie agréable. Ce ton de misanthropie, chez un aussi beau jeune homme, parut fort ridicule aux deux petites filles de la duchesse, qui en firent des plaisanteries toute la soirée, mais le lendemain n’en furent pas moins avec Octave d’une simplicité parfaite. Il remarqua ce changement et haussa les épaules.

Étonné de ses succès, et encore plus du peu de peine qu’ils lui coûtaient, Octave, très-fort sur la théorie de la vie, s’attendit à éprouver les attaques de l’envie ; car il faut bien, se dit-il, que cette indemnité me procure aussi ce plaisir-là. Il ne l’attendit pas trop longtemps ; peu de jours après, on lui apprit que quelques jeunes officiers de la société de madame de Bonnivet plaisantaient volontiers sur sa nouvelle fortune : « Quel malheur pour ce pauvre Malivert, disait l’un, que ces deux millions qui lui tombent sur la tête comme une tuile ! il ne pourra plus se faire prêtre ! cela est dur ! — L’on ne conçoit pas, reprenait un second, que dans ce siècle où la noblesse est si rudement attaquée, l’on ose porter un titre et se soustraire au baptême de sang. — C’est pourtant la seule