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DE L’AMOUR.

combattis point sa résolution, je lui fis mes adieux ; et il se mit à pleurer.

D’après le trouble qui accompagne les discours des amants, il ne serait pas sage de tirer des conséquences trop pressées d’un détail isolé de la conversation. Ils n’accusent juste leurs sentiments que dans les mots imprévus ; alors c’est le cri du cœur. Du reste, c’est de la physionomie de l’ensemble des choses dites que l’on peut tirer des inductions. Il faut se rappeler qu’assez souvent un être très-ému n’a pas le temps d’apercevoir l’émotion de la personne qui cause la sienne.


CHAPITRE XXV.

LA PRÉSENTATION.


À la finesse, à la sûreté de jugement avec lesquelles je vois les femmes saisir certains détails, je suis plein d’admiration ; un instant après, je les vois porter au ciel un nigaud, se laisser émouvoir jusqu’aux larmes par une fadeur, peser gravement comme trait de caractère une plate affectation. Je ne puis concevoir tant de niaiserie. Il faut qu’il y ait là quelque loi générale que j’ignore.

Attentives à un mérite d’un homme, et entraînées par un détail, elles le sentent vivement et n’ont plus d’yeux pour le reste. Tout le fluide nerveux est employé à jouir de cette qualité, il n’en reste plus pour voir les autres.

J’ai vu les hommes les plus remarquables être présentés à des femmes de beaucoup d’esprit ; c’était toujours un grain de prévention qui décidait de l’effet de la première vue.

Si l’on veut me permettre un détail familier, je conterai que