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ŒUVRES DE STENDHAL.

CHAPITRE XVI.


Dans un petit port, dont j’ignore le nom,
près Perpignan, 25 février 1822[1].


Je viens d’éprouver ce soir que la musique, quand elle est parfaite, met le cœur exactement dans la même situation où il se trouve quand il jouit de la présence de ce qu’il aime, c’est-à-dire qu’elle donne le bonheur apparemment le plus vif qui existe sur cette terre.

S’il en était ainsi pour tous les hommes, rien au monde ne disposerait plus à l’amour.

Mais j’ai déjà noté à Naples, l’année dernière, que la musique parfaite, comme la pantomime parfaite[2], me fait songer à ce qui forme actuellement l’objet de mes rêveries et me fait venir des idées excellentes ; à Naples, c’était sur le moyen d’armer les Grecs.

Or, ce soir, je ne puis me dissimuler que j’ai le malheur of being too great an admirer of milady L.

Et peut-être que la musique parfaite que j’ai eu le bonheur de rencontrer, après deux ou trois mois de privation, quoique allant tous les soirs à l’Opéra, n’a produit tout simplement que son effet anciennement reconnu, je veux dire celui de faire songer vivement à ce qui occupe.

— 4 mars, huit jours après.

Je n’ose ni effacer ni approuver l’observation précédente. Il est sûr que, quand je l’écrivais, je la lisais dans mon cœur. Si je

  1. Copie du journal de Lisio.
  2. Othello et la Vestale, ballets de Vigano, exécutés par le Pallerini et Mollinari.