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TROISIÈME PRÉFACE[1]




Je viens solliciter l’indulgence du lecteur pour la forme singulière de cette Physiologie de l’Amour.

Il y a vingt-huit ans (en 1842) que les bouleversements qui suivirent la chute de Napoléon me privèrent de mon état. Deux ans auparavant, le hasard me jeta, immédiatement après les horreurs de la retraite de Russie, au milieu d’une ville aimable où je comptais bien passer le reste de mes jours, ce qui m’enchantait. Dans l’heureuse Lombardie, à Milan, à Venise, la grande, ou, pour mieux dire, l’unique affaire de la vie, c’est le plaisir. Là, aucune attention pour les faits et gestes du voisin ; on ne s’y préoccupe de ce qui nous arrive qu’à peine. Si l’on aperçoit l’existence du voisin, on ne songe pas à le haïr. Otez l’envie des occupations d’une ville de province, en France, que reste-t-il ? L’absence, l’impossibilité de la cruelle envie, forme la partie la plus

  1. Terminée le 15 mars 1842 ; Beyle est mort le 23 du même mois ; c’est donc très-probablement son dernier écrit.