Page:Stendhal, De l’amour, Lévy, 1853.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée
127
DE L’AMOUR.

vée pussent être augmentées à l’infini en s’exposant souvent au danger. Ce n’est pas purement du danger militaire que je parle. Je voudrais ce danger de tous les moments, sous toutes les formes, et pour tous les intérêts de l’existence qui formaient l’essence de la vie au moyen âge. Le danger, tel que notre civilisation l’a arrangé et paré, s’allie fort bien avec la plus ennuyeuse faiblesse de caractère.

Je vois dans A voice from Saint-Helena, de M. O’Meara, ces paroles d*un grand homme :

« Dire à Murat : Allez et détruisez ces sept à huit régiments ennemis qui sont là-bas dans la plaine, près de ce clocher ; à l’instant il partait comme un éclair, et, de quelque peu de cavalerie qu’il fût suivi, bientôt les régiments ennemis étaient enfoncés, tués, anéantis. Laissez cet homme à lui-même, vous n’aviez plus qu’un imbécile sans jugement. Je ne puis concevoir comment un homme si brave était si lâche. Il n’était brave que devant l’ennemi ; mais là, c’était probablement le soldat le plus brillant et le plus hardi de toute l’Europe.

« C’était un héros, un Saladin, un Richard Cœur-de-Lion sur le champ de bataille : faites-le roi et placez-le dans une salle de conseil, vous n’aviez plus qu’un poltron sans décision ni jugement. Murat et Ney sont les hommes les plus braves que j’ai connus. » (O’Meara, tome II, page 94.)

transes continuelles. Voir les Lettres de madame de Sévigné. La présence du danger avait conservé dans la langue une énergie et une franchise que nous n’oserions plus hasarder aujourd’hui ; mais aussi M. de Lameth tuait l’amant de sa femme. Si un Walter Scott nous faisait un roman du temps de Louis XIV, nous serions bien étonnés.