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DE L’AMOUR.

de cette vérité, qu’il suffit de courir le monde pour voir que tout est variable. Parmi les Ricaras, c’est un grand sujet d’offense, si, sans le consentement de son mari ou de son frère, une femme accorde ses faveurs. Mais, du reste, les frères et les maris sont très-contents d’avoir l’occasion de faire cette petite politesse à leurs amis.

« Nous avions un nègre parmi nos gens ; il fit beaucoup de sensation chez un peuple qui, pour la première fois, voyait un homme de cette couleur. Il fut bientôt le favori du beau sexe, et, au lieu d’en être jaloux, nous voyions les maris enchantés de le voir arriver chez eux. Ce qu’il y a de plaisant, c’est que dans l’intérieur de huttes aussi exiguës, tout se voit[1]. »



CHAPITRE XXXVI.

SUITE DE LA JALOUSIE.


Quant à la femme soupçonnée d’inconstance.

Elle vous quitte, parce que vous avez découragé la cristalli-

  1. On devrait établir à Philadelphie une académie qui s’occuperait uniquement de recueillir des matériaux pour l’étude de l’homme dans l’état sauvage, et ne pas attendre que ces peuplades curieuses soient anéanties.
    Je sais bien que de telles académies existent ; mais apparemment avec des règlements dignes de nos académies d’Europe. (Mémoire et discussion sur le Zodiaque de Dondérah à l’Académie des sciences de Paris, en 1821.) Je vois que l’académie de Massachusset, je crois, charge prudemment un membre du clergé (M. Jarvis) de faire un rapport sur la religion des sauvages. Le prêtre ne manque pas de réfuter de toutes ses forces un Français impie nommé Volney. Suivant le prêtre, les sauvages ont les idées les plus exactes et les plus nobles de la Divinité, etc. S’il habitait l’Angleterre, un tel rapport vaudrait au digne académicien un