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ŒUVRES DE STENDHAL.

voisin, qui bien souvent ne veut que paraître gai ou poli. Les charmantes tendresses de Pétrarque ou les madrigaux français seraient déplacés.



CHAPITRE XXXV.

DE LA JALOUSIE.


Quand on aime, à chaque nouvel objet qui frappe les yeux ou la mémoire, serré dans une tribune et attentif à écouter une discussion des chambres ou en allant au galop relever une grand’garde sous le feu de l’ennemi, toujours l’on ajoute une nouvelle perfection à l’idée qu’on a de sa maîtresse, ou l’on découvre un nouveau moyen, qui d’abord semble excellent, de s’en faire aimer davantage.

Chaque pas de l’imagination est payé par un moment de délices. Il n’est pas étonnant qu’une telle manière d’être soit attachante.

À l’instant où nait la jalousie, la même habitude de l’âme reste, mais pour produire un effet contraire. Chaque perfection que vous ajoutez à la couronne de l’objet que vous aimez, et qui peut-être en aime un autre, loin de vous procurer une jouissance céleste, vous retourne un poignard dans le cœur. Une voix vous crie : Ce plaisir si charmant, c’est ton rival qui en jouira[1].

Et les objets qui vous frappent, sans produire ce premier effet, au lieu de vous montrer comme autrefois un nouveau

  1. Voilà une folie de l’amour ; cette perfection que vous voyez n’en est pas une pour lui.