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94 MES MÉMOIRES

J’étais atterrée. Je ne pouvais en croire mes oreilles :

— C’est impossible, m’écriai-je. Je l’ai vu aujourd’hui même. Il était fatigué, souffrant, mais ce n’était pas grave.

Je questionnai fiévreusement M. Bordelongue mais ne pus obtenir que cette réponse :

« Je n’ai aucun détail... On ne sait rien. On dit que le Président est mort d’une attaque d’apoplexie. »

Le lendemain, à six heures du matin, on vint me dire que « l’agent » demandait instamment à me voir. (Cet agent n’appartenait ni à la Sûreté, ni au ministère de l’Intérieur. C'était un détective privé que Félix Faure avait lui-même choisi pour m’accompagner, à distance, partout où j’allais, afin que rien ne m’arrivât de fâcheux.)

Je devinai pourquoi l’agent était venu et, m’étant habillée à la hâte, je descendis le recevoir.

— Je devine que vous savez déjà la nouvelle, madame... La fin du Président me paraît assez louche. On dit qu’il est mort d’une congestion au cerveau, mais j’apprends aussi que son agonie a duré plusieurs heures. Mme Faure et sa fille n’ont vu le Président qu’à ses derniers moment... Je suis surveillé et il vaut mieux pour vous comme pour moi que je ne revienne plus ici... Mais vous connaissez mon adresse, et si jamais vous avez besoin de moi, vous savez que vous pouvez compter sur mon dévouement.

Il était très ému, et moi aussi ; j’avais perdu mon meilleur ami ; il avait perdu un bon maître. Je ne revis plus cet agent, sauf une fois... dix ans plus tard, quelques jours après l’assassinat de mon mari et de ma mère. J’étais alitée, dangereusement malade, chez les d’Arlon, quand on m’apporta une carte.

— Pardonnez-moi de vous déranger, madame, mais j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous donner cet avis : Aussitôt que vous serez rétablie, quit-