Page:Steinheil - Mes Memoires, 1912.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

MES MEMOIRES 89

collier chez vous. On ne peut pas soupçonner qu’il est en votre possession. Mais ne le portez pas, ne le montrez à personne...

— Non, car j’avais décidé de vous le rendre. Je n’aurais pas pu le porter ; il est trop beau, trop coûteux. On se serait demandé d’où il venait. Et d’ailleurs, il ne doit pas y avoir beaucoup de colliers comme celui-là à travers le monde. Les perles en sont énormes et parfaites...

— Vous a-t-on déjà posé des questions ?

— Oui. Hier soir, j’ai dîné chez M. B..., l’ancien procureur général et, à ma grande surprise, il m’a demandé, d’un ton indifférent d’ailleurs, s’il était vrai qu’on m’eût offert un collier de 500.000 francs. Je crois que c’est le chiffre qu’il a cité. Je lui ai demandé gaiement s’il était fou, et je lui ai dit que j’avais passé l’âge où l’on s’intéresse aux contes de fée. Là-dessus, il m’a répondu : « Je me doutais bien qu’il n’y avait rien de vrai dans cette histoire. » Et maintenant, je vais me faire conduire chez moi bien vite, et je reviendrai vous rendre vos perles. Je comptais le faire de toute façons, mais, après ce que vous venez de me dire, il m’est impossible de les garder une heure de plus. Je regrette de ne pas vous les avoir rendues le jour même où vous me les avez envoyées.

Félix Faure devint blême.

— Vous voulez donc me perdre, s’écria-t-il. Je vous dis que je vais être entraîné dans un scandale si monstrueux, dont les conséquences seraient si graves que je n’ose même pas y songer. Je vous en conjure, gardez ce collier. Vous ne risquez absolument rien... Quand je ne serai plus Président, les choses changeront peut-être... Les perles sont à vous, gardez-les, mais si vous désirez jamais vous en séparer, ne les vendez qu’une à une et prudemment.

— Vous m’effrayez... Pourquoi ne pas me dire toute la vérité ?