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88 MES MÉMOIRES

ma musique. Félix Faure me reparla de la « surprise » qu’il me réservait... Le lendemain, le commandant Lamy, que je connaissais très bien et qui venait souvent me voir, vint me faire ses adieux... Il me remit un énorme bouquet de la part du Président. J’enlevai le papier blanc qui l’entourait et trouvai, entre les orchidées, un écrin vert doublé de satin blanc. Il contenait une boîte ronde, en or. J’eus quelque peine à l’ouvrir et quand je réussis enfin à soulever le couvercle, d’un mouvement brusque, la « surprise » tomba sur le tapis : c’était un admirable collier de perles, à cinq rangs !

Après le départ du commandant Lamy, j’écrivis au Président que je ne pouvais absolument pas accepter ce cadeau somptueux, et bien que le lendemain, à l’Elysée, il me supplia de ne pas refuser, j’annonçais mon intention de lui rendre le collier à ma prochaine visite.

Deux jours après, le Président m’envoya chercher. Il était pâle, et dans un état d’agitation extrême. Il arpentait son cabinet de travail et il ne pouvait se résoudre à parler... Il me dit enfin :

— Je ne sais comment vous expliquer... vous faire comprendre... Il se passe une chose effroyable, inattendue...

— Il s’agit du collier de perles ?

— Oui... Je l’ai acheté à un ami, pour lui rendre service et voilà que malgré moi, et malgré lui, bien entendu, je me trouve mêlé à une affaire épouvantable, à un scandale si grave que, si la chose s’ébruitait, je serais perdu... Il ne me resterait plus qu’à démissionner sur-le-champ et même à quitter la France. C’est une histoire inouïe et compliquée à un point que vous ne pouvez vous imaginer... Et pourtant j’ai acheté ce collier à un ami sûr, et qui est aussi atterré que moi-même de ce qui vient d’être découvert. On l’a trompé, trahi..., je suis perdu si on sait quoi que ce soit... Je ne peux pas vous en dire plus. Je n’en ai pas le droit. Il faut qu’on ne sache rien... Je vous supplie de garder ce