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396 MES MÉMOIRES

Dans les premiers jours de décembre (1909), j’étais prête à partir pour l’Angleterre. Le docteur Mignon, à cause de mon état de santé, offrit de m’accompagner jusqu’à Londres, et j’acceptai avec reconnaissance. Je pris congé de tous ces amis du Vésinet, dont le dévouement avait été si complet et si généreux...

Un soir — je devais prendre le train de neuf heures pour Charing-Cross — j’allai en automobile à Paris, avec M. Dhur et le docteur Mignon. Ils me menèrent à un restaurant élégant, où nous retrouvâmes un ou deux collègues de M. Dhur... Depuis plus d’un an et demi, je n’étais pas entrée dans un restaurant. Nous nous assîmes à une table, dans une petite chambre. La table était couverte de roses et d’orchidées. On avait voulu atténuer le plus possible la tristesse poignante qui me serrait le cœur à la pensée de l’exil...

— Pour qu’on ne se doute pas de qui vous êtes, me dit-on, vous allez passer pour Mme X..., la femmeaviateur. .. Les garçons nous écoutent...

Et gaiement, on me posa des questions sur l’aviation, mes impressions, mes préférences... Quelle marque d’aéroplane approuvais-je ? Quel était mon moteur favori ?...

J’étais fatiguée, agilce et profondément triste en arrivant à la gare du Nord... J’allais quitter Paris où j’avais vécu pendant vingt ans, Paris que j’aimais malgré toutes les souffrances que j’y avais endurées. .. Je voulus acheter un journal, mais j’y vis mon nom, et je m’éloignai... M. Dhur me dit : « Prenez garde... il y a deux journalistes anglais dans le train » .

Un coup de sifflet. On me serra les mains ; le train se mit en marche et entra dans la nuit.

En route, les deux Anglais parlèrent très poliment au docteur Mignon et lui dirent que leur journal était prêt à payer « n’importe quoi » pour des articles ou des Mémoires que j’écrirais, mais le docteur