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MES MÉMOIRES 391

ne prendrait-il donc jamais fin !... Le docteur me supplia de laisser entrer M. Chabrier. L’essentiel, c’était la visite de ma fille...

J’entendis des pas lents, fatigués... Marthe était donc malade ? Elle entra, pâle, défaite, presque méconnaissable, la pauvre petite... Ma sœur la soutenait d’un côté, M. Chabrier de l’autre. On mena Marthe jusqu’à mon lit, et alors je vis sur son visage une expression que je n’y avais jamais vue... Je lui ouvris mes bras, elle m’embrassa, mais on la tira en arrière... Je sentis la vie m’abandonner. Je perdis tout courage, tout espoir...

— Qu’y a-t-il ?... Tu me reviens, Marthe ? Mon enfant essaya de parler.

— Elle n’est pas bien, dit Mme Seyrig. Elle est venue te dire... Dis-lui, Marthe, dis-lui toi-même... Essaye...

— Oui, c’est cela, dis-moi toi-même... tout... toute la vérité...

Marthe, les yeux gros de larmes, se tourna vers M. Chabrier qui était debout, près de mon lit, et qui lui faisait face, puis, d’une voix très faible, d’une voix mourante, elle me dit, comme si elle récitait une leçon : «Après ce qui s’est passé... tu comprends. .. Elle fit un grand effort et ajouta : Je suis venue te dire adieu, pour toujours... »

Pendant deux ans, j’ai entendu ces paroles, jour après jour, nuit après nuit... Mais au moment où elles furent prononcées, je ne les compris pas.

— Tu entres au couvent, Marthe ?

— Non...

— Où vas-tu alors...

— Je ne peux pas te le dire...

— Mais c’est impossible, Marthe... Je ne te laisserai pas partir...

— Elle est libre de sa personne, dit une voix. Il faut qu’elle vous oublie comme vous devez l’oublier.

— Est-ce Pierre qui exige que nous nous séparions ?

demandai-je. 

Marthe saisit avidement ce prétexte. Cette scène