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MES MÉMOIRES 13

je n’ai pas tenu ma promesse. Que les deux Cuvier, ie savant et le pasteur, me pardonnent i

Mon pasteur était très vieux et son fils vint à Beaucourt l’aider dans son pastorat, mais le père mourut bientôt. Quant au fils, comme beaucoup de protestants du Jura et des Vosges à cette époque, il était monodiste et croyait fermement que le Christ était revenu sur terre sous les traits et le nom de M. Monod. Beaucourt eut un nouveau pasteur, M. Bach, et je devins plus tard une des organistes du temple et la directrice des chœurs.

Une de nos plus grandes joies, à mon père et à moi, était de voyager ensemble. Après que j’eus atteint ma quatorzième année, il m’emmena en Suisse faire le tour du Léman (il ne permettait pas qu’on dise lac de Genève), en Allemagne, en Italie. Et nos visites régulières à Montbéliard, Belfoflt, Nancy et Baie, continuèrent comme autrefois. C’est à Belfort que j’entendis pour la première fois un opéra, Faust. Mon père était un ami de Gounod et m’avait souvent vanté sa « jolie » musique, mais je fus moins impressionnée que je ne m’étais promise de l’être. Peut-être fut-ce parce que Faust était trop gros, Valentin trop bruyant au moment de mourir, Méphistophélès pas assez diabolique... Peut-être la principale cause de mon désenchantement fut-elle que le rouet de Marguerite, ayant été égaré, avait été remplacé, à la dernière minute, par une machine à coudre... Et pourtant, il y a des fileuses partout dans le « pays » !

C’est à Belfort aussi que je vis M. Thiers, que mon père connaissait bien. Cette rencontre eut lieu en 1877, je crois, peu de temps avant la mort de l’homme d’Etat. Je fus chargé de remettre un bouquet au « Sauveur de la France », comme tout le monde l’appelait, et ces mots s’ancrèrent si profondément dans ma tête qu’oubliant les quelques mots que j’avais à réciter à sa descente de voiture, je lui remis le bouquet en disant : « Voilà, monsieur le Sauveur ! » Le petit homme gras et laid, à la