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les conclusions que nous avons pu former et les renseignements que nous avons pu réunir sur la géographie et sur l’ethnographie de la contrée.

Nous diviserons ce résumé en deux parties, ainsi que l’a été notre voyage : d’abord, de l’océan Indien à Couihara ; puis, de là au Tanguégnica.

Trois routes [1] conduisent de Bagamoyo à Couihara. Deux d’entre elles avaient déjà été suivies et minutieusement décrites par MM. Burton, Speke et Grant, qui m’ont précédé dans cette partie de l’Afrique. Restait celle du nord, à la fois inconnue et plus directe ; c’est elle que nous avons prise. Elle nous a fait traverser la Mrima, qui finit à Kicoca en effleurant le nord du Zaramo ; puis le Couéré, de Rosaco à Kisémo ; le Cami, le sud de 1’0udoé et du Ségouhha jusqu’à la rive droite de la Macata ; ensuite, le Sagara, le Gogo, le Mgounda-Mkhali ou Gnanzi et enfin le Gnagnembé dans le Mouézi.

Le littoral a, pour le monde civilisé, une extrême importance ; les regards doivent s’y arrêter : c’est là maintenant que s’agite la question de l’esclavage. Les trois quarts des nègres achetés ou capturés dans l’intérieur

  1. Le mot route ne doit s’entendre ici que de la direction prise pour aller d’un endroit à un autre, et ne désigne jamais, dans cette région, qu’une piste de vingt ou trente centimètres de large ; « piste frayée par l’homme dans la saison des pluies, et qui, suivant l’expression locale, dit Burton, meurt pendant la saison des pluies, c'est-à-dire s'efface sous une végétation exubérante. Dans la plaine déserte, la route présente quatre ou cinq lignes tortueuses ; dans les jungles, c’est un tunnel hérissé de grappins qui arrêtent les porteurs ; près des villages, elle est barrée par une estacade ou par une haie d’euphorbe. Quand la terre est libre, le sentier s’allonge par mille détours ; dans les endroits féconds, il se traîne au milieu des grandes herbes, traverse des marécages, des lits vaseux, aux berges escarpées ; et, miné par les insectes et par les rongeurs, devient un piège perpétuel. Dans la montagne, il disparaît au fond des ravins, s’arrête en face des côtes abruptes et se métamorphose en échelle de racines et de quartiers de roche mouvants. Ailleurs il est encore plus mauvais, et souvent on ne le reconnaîtrait pas sans les points de repère qui l’émaillent : arbres flambés ou écorcés, tessons de poteries et de gourdes, crânes et cornes de bœufs ou d'animaux sauvages, arcs et flèches tournés du côté de l’eau, portails en joncs, plates-formes, barricades, arbustes couronnés d’herbes, coiffés de coquilles d’escargots, etc. Dans les carrefours, une branche mise en travers, ou bien une ligne faite avec le pied indique le chemin qu’il faut prendre ; la ligne s’efface, la branche s’écarte ; on croit les voir où elles ne sont pas, on va de confiance et l’on s’égare. » (Burton, Voyages aux grands lacs.) (J. Belin de Launay)