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Ainsi débuta notre vie commune. Jusqu’à mon arrivée, je ne ressentais pour Livingstone nulle affection ; il n’était pour moi qu’un but, qu’un article de journal, un sujet à offrir aux affamés de nouvelles ; un homme que je cherchais par devoir, et contre lequel on m’avait mis en défiance. Je le vis et je l’écoutai. J’avais parcouru des champs de bataille, vu des révoltes, des guerres civiles, des massacres ; je m’étais tenu près des suppliciés pour rapporter leurs dernières convulsions, leurs derniers soupirs ; jamais rien ne m’avait ému autant que les misères, les déceptions, les angoisses dont j’entendais le récit. Notre rencontre me prouvait que « d’en haut les dieux surveillent justement les affaires des hommes » et me portait à reconnaître la main d’une Providence qui dirige tout avec bonté.

Les jours coulaient paisiblement ; nous étions heureux sous les palmiers de Djidji. Mon compagnon reprenait des forces ; la vie lui revenait ; il retrouvait son enthousiasme pour la tâche qu’il avait entreprise ; et son ardeur au travail lui faisait vivement souhaiter d’agir. Mais que pouvait-il avec cinq hommes et soixante mètres d’étoffe ?

« Connaissez-vous la partie nord du lac ? lui demandai-je un soir.

– Non, dit-il, j’ai essayé de m’y rendre ; mais les naturels d’ici ont voulu me traiter de la même façon que Burton et que Speke, c’est-à-dire m’écorcher ; et je n’étais pas riche. Si j’avais fait cette course, je n’aurais pas pu aller dans le Mégnéma, ce qui était bien plus intéressant. La grande ligne de drainage du