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Sélim était alors tellement malade que nous dûmes nous arrêter pour lui au village de Mréra.

D’ailleurs, à l’ouest de cette place, commençait un désert dont la traversée, à ce qui nous fut dit, était de neuf jours   ; cela nous forçait d’acheter une quantité considérable de grain, qu’il fallait moudre et tamiser avant de partir.

Nous ne reprîmes notre marche que le 17 octobre, nous dirigeant vers le nord-ouest. Le départ fut très gai   ; mes gens et moi, nous étions dans les meilleurs termes   ; Bombay avait oublié notre querelle   ; Asmani était prêt à se jeter dans mes bras, tant nos rapports étaient maintenant affectueux.

Plus d’inquiétudes   ; la confiance était revenue   ; car, disait Mabrouki, «   on sent d’ici le poisson du Tanguégnica  ».

Au bout des cultures, nous retrouvions la jungle   ; nous y défilâmes joyeusement, riant à gorge déployée, nous vantant de nos prouesses. Tout le monde, ce jour-là, était brave.

Ensuite nous entrâmes dans une forêt peu épaisse où de nombreuses fourmilières se dressaient comme autant de dunes. J’imagine qu’elles avaient été construites pendant une saison exceptionnellement pluvieuse, alors que la forêt pouvait être inondée. J’ai vu ailleurs des légions de fourmis élever leurs édifices sur un terrain soumis à l’inondation[1].

  1. Il est curieux de voir toute l’étendue des pays marécageux qu’occupent les Kêtchs hérissés par les demeures des fourmis blanches, s’élevant au-dessus du niveau de l’eau. Ces tours de Babel empêchent leurs habitants d’être emportés par le déluge. Travaillant pendant la saison sèche, les fourmis blanches construisent leurs édifices en leur donnant une grande hauteur, environ trois mètres, de sorte que pendant l’inondation, elles peuvent vivre en sûreté dans les étages supérieurs. C’est au-dessus que les naturels se rassemblent alors, comme des troupeaux de bêtes, se frottant le corps de cendre de charbon de bois, afin de se préserver du froid. (J. Belin de Launay)