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bande, j’envoyai Shaw et Bombay la chercher, avec mission de la presser le plus possible. Ils revinrent le lendemain, suivis des retardataires. Maganga me donna pour excuse la faiblesse de ses trois malades ; il ajouta qu’il leur fallait encore un jour de repos, que je ferais bien de partir et de l’attendre à la station voisine. D’après ce conseil, je levai le camp et me dirigeai vers Kingarou, qui n’était pas à plus de cinq milles.

Ce fut dans cette marche que la caravane rencontra la première jungle qu’il lui fallut traverser ; malgré le sentier que nous y trouvâmes, on eut beaucoup de peine à en faire sortir la charrette.

Le pays était plus accidenté. Un calcaire pisolithique, se montrant par blocs détachés et par nappes, me fit présumer que nous approchions des highlands, où l’air serait plus salubre. Cette pensée m’était confirmée par les cônes bleuis d’Oudoé, qui s’apercevaient au nord et au nord-ouest, et que dominait le pic Dilima, dont la hauteur est d’environ quinze cents pieds au-dessus de l’Océan. Mais bientôt, plongeant dans un bassin où verdoyait le maïs, la route dévia légèrement à l’ouest et n’offrit plus à nos regards que les ondulations habituelles.

Kingarou est situé dans le creux de l’un de ces plis de terrain, et a des environs qui me firent songer à la fièvre. Peut-être le ciel pesamment couvert, les crêtes surplombantes, chargées d’épaisses forêts assombries par les nuées, le rendaient-ils plus maussade que l’ordinaire ; mais l’impression que me produisit ce trou fangeux, entouré de bois lugubres, et contenant un fossé où dormaient des flaques d’eau putride, ne me fut nullement agréable.

Les tentes n’étaient pas encore dressées que l’avant-coureur de la masika fondait sur nous en averse suffisante pour éteindre l’amour naissant que je ressentais pour l’Afrique. Le camp lut achevé en toute hâte, les ballots furent mis à couvert et nous pûmes regarder avec résignation les énormes gouttes d’eau qui, battant le sol, en faisaient une boue singulièrement tenace, et nous entouraient de lacs et de rivières.

Dans la soirée, après avoir atteint le comble du désagrément, la pluie cessa ; et les indigènes, sortant des hameaux cachés dans les bois, accoururent pour nous vendre des provisions. À leur tête le chef de Kingarou, celui du district, portait pompeusement trois mesures de sorgho et une demi-mesure de riz, qu’avec de paternels sourires, il me pria d’accepter. Mais derrière ce masque