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lutions l’un des nombreux ruisseaux qui fuient au pied de la colline. La forêt lui eût fourni un verger suffisant, et, dans ses profondeurs, tous les animaux qu’il eût désirés. Parcourez ce pays dans toutes les directions, au nord, au sud au levant et au couchant, pendant des jours et des jours, et vous ne cesserez pas de contempler la même scène.

Si pressé que je fusse d’atteindre l’Ounyanyembé, j’avais une telle inquiétude au sujet de ma quatrième bande, que je m’arrêtai avant d’avoir fait neuf milles, et que je donnai l’ordre de camper. L’endroit choisi pour cela était au bord d’un lit de torrent, qui, pendant les pluies recueille les eaux de deux larges côtes, et où s’égrènent, en d’autres saisons, des mares plus ou moins longues. À peine eut-on fini de décharger, et d’entourer le camp d’une forte palissade, que nous nous aperçûmes de la prodigieuse quantité d’insectes qui nous entouraient, insectes qui devinrent pour moi une nouvelle source d’anxiété.

Le docteur Kirk, avec tout le dogmatisme d’un homme huché sur un dada, m’avait prédit que mes chevaux seraient tués par la tsétsé, qui, d’après lui, était commune à l’ouest de Bagamoyo. Depuis deux mois que j’étais en Afrique, je n’avais pas encore vu cette mouche terrible ; mes deux chevaux, loin de maigrir, ce qui est un symptôme de la fatale piqûre, étaient en bien meilleure condition que précédemment.

Mais parmi les insectes qui nous assiégeaient, se remarquaient trois espèces de mouches, dont quelques-unes avaient cherché un abri dans ma tente, où elles bourdonnaient en chœur, et sans repos ni trêve. L’une avait une basse-taille, l’autre un ténor, la troisième un faible contralte.

La frayeur que m’inspirait l’assertion de mister Kirk me fit organiser une chasse active, dans le but de me procurer plusieurs de ces mouches, afin de reconnaître si la tsétsé de Livingstone et de Cumming, la glossita morsitans des savants était parmi elles. La première que j’examinai fut la basse-taille. Je lui permis de s’arrêter sur le pantalon de flanelle que je portais au camp. Aussitôt qu’elle fut posée, elle releva l’abdomen, baissa la tête, fit sortir de leur gaine les armes que renfermait sa trompe, et qui étaient formées de quatre stylets, fins comme des cheveux. Immédiatement je sentis la même douleur que si j’avais reçu un coup de lancette, ou la piqûre profonde d’une aiguille.

Bien que ma patience fût cruellement éprouvée, l’intérêt l’emporta ; je laissai la mouche se gorger à son aise, distendre son