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son de la masse de détritus qu’y entraînent les pluies, et qu’on y laisse se corrompre.

Un faible effort a été fait pour mettre en culture un coin du voisinage ; mais au lieu d’arracher le bois et de défricher le fourré, les settlers ont mieux aimé prendre une clairière, qu’ils ont piochée à deux ou trois pouces de profondeur, après en avoir incendié l’herbe, et où ils jettent leurs graines sans plus de travail, sûrs du rendement qu’ils en obtiendront.

Afin d’engager le lecteur à jeter les yeux sur la carte que j’ai dressée, et qui accompagne ce volume, je lui ferai observer que la route que j’ai prise ne l’avait jamais été avant moi par aucun homme de race blanche. S’il veut bien regarder celles qu’ont suivies Burton et Speke[1], et plus tard Speke et Grant[2], il verra la différence qu’elles offrent avec la mienne.

Sur la carte de Burton, dans les cinq degrés qui sont à l’ouest de Bagamoyo, il ne se trouve pas un village, pas un établissement ; sur la mienne, ce vide est rempli ; c’est ainsi que, peu à peu, l’Afrique se fait connaître.

Si minime que soit ma part de découvertes sur cette route, jusque-là ignorée des blancs, qu’on me permette de la réclamer. J’adresse cette requête, parce qu’un certain gentleman, ancien voyageur, qui est à Zanzibar depuis quelques années, a essayé de me faire prendre une autre voie, m’assurant que celle-ci n’offrait nul intérêt par la raison que tout le pays qu’elle traverse était connu. Je dois dire que le motif de son insistance était des plus généreux : il aurait désiré que je remontasse le Roufidji ; et cela pour que je me fisse un nom parmi les géographes. Moi aussi, je l’aurais souhaité, et de grand cœur ; mais les circonstances me le défendaient.

Une mission m’était confiée, qui n’était pas celle des découvertes ; et le moyen le plus rapide et le plus sûr d’accomplir mon devoir devait être ma seule étude. Si la route, qui, pour cela, me paraissait la meilleure était connue, c’était néanmoins celle que je devais choisir. Mais il s’est trouvé que personne encore n’avait décrit cette ligne, que pour les géographes, le pays était neuf, et j’en suis d’autant plus heureux.

J’ai donc pris la route qui traverse l’Oukouéré, l’Oukami, l’Oudoé, l’Ouségouhha, l’Ousagara et le nord de l’Ougogo ; le résultat

  1. Voyage aux grands lacs de l’Afrique orientale, Paris, librairie Hachette, 1862
  2. Aux sources du Nil, Journal du capitaine Speke, Paris, librairie Hachette, 1864