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À six heures, nous avions déjeuné ; les pagazis, les soldats et les ânes sortaient du camp de Gonéra. Même à cette heure matinale, et dans ces champs, il y avait des curieux accourus pour nous voir, tout un rassemblement, auquel nous envoyâmes le quahary (parole d’adieu), en toute sincérité.

Mon cheval bai était d’un prix inestimable pour un quartier-maître ayant à surveiller un convoi, ce qui réellement était ma fonction. Monté de la sorte, je pus voir partir le dernier âne, et avec un temps de galop, me mettre à la tête de la bande, laissant maître Shaw à l’arrière-garde.

La route, un simple sentier, se déroulait sur une terre qui, bien que sableuse, était d’une fertilité surprenante : cent pour un de la semence, et les légumes en proportion ; le tout semé et planté de la façon la moins habile. Hommes et femmes travaillaient dans les champs sans s’inquiéter de bien faire, et dans un costume auprès duquel Adam et Ève, avec leur feuille de figuier, auraient été en grande tenue. À notre approche, ils quittèrent leur ouvrage ; ces Vouasoungou vêtus de flanelle, chaussés de grandes bottes, coiffés de chapeaux brevetés contre le soleil, étaient pour eux de tels hybrides ! Mais quelle occasion pour les Vouasoungou d’étudier l’anatomie et la physiologie, s’ils en avaient eu le désir ! Nous passâmes devant eux d’un air grave, tandis qu’ils riaient et gambadaient en se montrant du doigt tout ce qu’il y avait de bizarre dans ces gens empaquetés.

Une demi-heure après, nous avions quitté le sorgho, le manioc, les pastèques, les concombres ; et, traversant un bourbier couvert de roseaux, nous entrions dans une forêt d’ébéniers et de boababs entièrement dénuée de broussailles. Le fauve abonde dans ses profondeurs, et les hippopotames y viennent pendant la nuit savourer l’herbe qui la tapisse.

Une heure de marche nous fit sortir du bois. La vallée du Kingani s’offrit alors à nos regards, et tellement différente de ce que je m’étais figuré, que j’en éprouvai un soulagement réel. J’avais sous les yeux une étendue de quatre milles de l’est à l’ouest, et de huit milles environ du nord au sud ; la terre la plus féconde, abandonnée aux herbes folles, et dont on ferait le meilleur pâturage pour l’élève du bétail ; large vallée, couverte au loin de forêts épaisses qui, de tous côtés, assombrissaient l’horizon. Au bruit de la caravane, des antilopes d’une teinte rutilante s’enfuirent à droite et à gauche, et les grenouilles cessèrent leurs coassements. Nous étions à découvert ; le soleil, qui brillait