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Devant la maison, qui est au midi, ainsi qu’à l’Orient, s’étendent de grandes cultures de sorgho, denrée fondamentale de cette partie de l’Afrique. Sur la gauche, c’est-à-dire à l’ouest, les champs sont remplis de maïs et de mouhogo, plante dont la racine blanchâtre, qui ressemble à l’igname, est quelquefois appelée manioc. Quand cette racine est sèche, elle est mise en poudre et convertie en galettes pareilles aux slap-jacks de notre armée[1].

Au nord, juste derrière les bâtiments, serpente une noire fondrière, domicile fangeux de l’hippopotame qui aime les rives fourrées de grandes herbes. Ce canal, plus ou moins profond, et qui, dans ses creux, a toujours de l’eau, est également fréquenté par une foule d’oiseaux aquatiques, pélicans et autres, auxquels ses bords couverts de mimosas, de palmiers nains et d’énormes roseaux, fournissent des retraites ombreuses. Après s’être dirigé au nord-est, le noir bourbier rejoint le Kingani, dont l’embouchure est à quatre milles de Gonéra.

En allant à l’ouest, vous traversez pendant un mille, des champs cultivés, puis vous rencontrez de longues ondulations couvertes de plantes de marais, d’herbe épaisse, de bois touffus, et couronnées de boababs, de manguiers et d’ébéniers[2]. Ces grandes lignes parallèles, formées par les anciennes dunes, marquent les différentes places où fut autrefois la côte.

« Safari, safari leo ! Pakia, pakia ! » Voyage, jour de voyage ! En marche, en marche ! crie fortement le Kirangozi, dont la voix joyeuse a pour écho celle du bon Sélim, mon tambour-major, mon serviteur, mon interprète, mon utile auxiliaire. Je presse le travail de mes hommes, je donne un coup de main énergique à ceux qui abattent les tentes, et je me dis en moi-même que si mes caravanes, parties d’avance, ne m’arrêtent pas, nous serons, avant trois mois dans l’Ounyanyembè.

  1. Le slap-jack est une crêpe faite, au moins primitivement, avec de la farine de sarrasin. « Autrefois, dit Bartlett, une jeune fille de campagne n’était pas regardée comme bonne à marier, si elle ne savait faire une chemise et retourner habilement un slap-jack dans la poêle. » Il est probable que ceux de l’armée sont secs ; d’où nous avons traduit le mot cake de l’auteur par celui de galette. (Note du traducteur.)
  2. L’arbre qui, dans cette région, fournit l’ébène n’est pas de la famille des ébénacées, mais un dalbergia qui appartient aux légumineuses. Sur tes bords de la Rovouma (4° plus au sud que la contrée dont parle Stanley), ce dalbergia est le melanoxylon, qui se trouve également sur les rives du Zambèze, où il est moins noir. En général, le bois des dalbergias est rouge ; probablement celui que rencontre notre voyageur est de cette nuance, puisque Burton le désigne, comme objet de commerce, sous le nom de grenadille. Il est, dit-il, moins cassant que l’ébène du diospyros, plus dur que le gaïac et se reconnaît aisément à sa pesanteur. Les indigènes en font des journeaux de pipes. (Note du traducteur.)