Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faite que le raïfle désigné sous le nom d’Express. Il est possible qu’il ait raison ; je n’ai pas expérimenté son raïfle et je n’en conteste pas la valeur ; mais ce jeune homme, lui-même, ne l’avait pas essayée sur la grosse bête d’Afrique, et je peux dire qu’avec des armes qui n’étaient pas moins précises, pas moins fortes que l’Express, mes balles traversaient la bête, sans la faire tomber du premier coup. Celle-ci m’échappait souvent, presque toujours malgré ses blessures ; tandis qu’avec le pesant O’Reilly de Livingstone, il était rare que l’animal ne fût pas abattu. J’ajouterai que la balle explosive de Fraser tient parfaitement ce qu’elle promet. Les exploits de Baker et de Speke n’étonnent plus le jeune chasseur, quand il a en main un Lancaster ou un O’Reilly. Après quelques jours d’essai, il peut imiter ces Nemrods, pourvu, toutefois, que sa main ne tremble pas.

Toute carabine, je le répète, a une force suffisante pour faire pénétrer la balle ; mais non la puissance nécessaire pour être utile au chasseur africain. Il faut, pour la grosse bête d’Afrique, une arme fracassante, une force qui broie les os.

Peu de jours après mon arrivée à Bagamoyo, j’étais allé au camp de Massoudi, voir la caravane que l’on envoyait à Livingstone, et qui était là depuis le 2 novembre 1870. Le nombre des ballots n’était que de trente-cinq ; il ne fallait donc que trente-cinq hommes pour les porter. Ces ballots étaient sous la garde de sept Anjouhannais et Vouahiyou, dont quatre esclaves, qui tous vivaient dans l’abondance, sans s’inquiéter du résultat de leur inaction. Je n’ai jamais pu deviner ce que ces gens faisaient là depuis trois mois, sinon donner carrière à tous leurs vices. Impossible de prétexter du manque de pagazis ; depuis le 15 décembre, époque de la fin du ramadan, quinze caravanes au moins s’étaient formées ; et il aurait suffi de deux jours à l’influence consulaire pour réunir trente-cinq porteurs. Si j’avais été l’agent officiel d’un gouvernement, surtout d’une grande puissance, je n’aurais eu qu’à faire un signe, et les cent quarante hommes qu’il me fallait m’auraient été fournis en une semaine.

Le consul anglais dit avoir ignoré que les provisions qu’attendait Livingstone, n’étaient pas parties. C’est au moins preuve de négligence ; le jour même de mon arrivée à Zanzibar, on m’apprenait que ces marchandises n’avaient point quitté la côte. J’ignorais alors quelle était l’importance de la cargaison, et par quel moyen elle pouvait être expédiée. La surprise que j’éprouvai est donc plus facile à comprendre qu’à décrire, lorsque je vis qu’avec