Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tait cent cinquante-six dollars, et que le transport en coûta cent quatre-vingt-cinq.

Ces préparatifs m’éclairèrent également sur la question du tribut, question importante, comme on le verra plus tard. Les étoffes destinées à cet usage doivent être emballées séparément, et de qualité supérieure, car les chefs qui les réclament ne sont pas moins difficiles que rapaces. Ils n’accepteraient pas les tissus légers dont se contentent les pagazis ; il leur faut des étoffes royales, du dabouani, de l’ismahili, du rehani, du sohari, ou du drap rouge ; et tout cela est fort cher. Pour cette première bande, composée de dix porteurs, le honga, ou tribut, fut estimé à vingt-cinq dollars. Ce n’était pas la quatorzième partie des hommes que j’avais à expédier. À ce chiffre-là, cent quarante pagazis devaient me coûter, en numéraire, trois cent cinquante dollars, avec retenue de vingt-cinq pour cent à mon préjudice. Méditez bien ces chiffres, ô voyageurs ! c’est à votre intention que je les expose.

Ma première caravane allait donc me quitter, et j’en bénissais Hadji Pallou, digne jeune homme ! lorsque le matin du départ, celui-ci vint me trouver « pour l’arrangement définitif, » et me présenta son compte avec tout le calme de l’innocence : « tant… pour avoir fourni à chaque porteur vingt-cinq dotis, prix de leur salaire, » dont il demandait le payement immédiat et en espèces.

Les paroles manquent pour exprimer mon étonnement. Je rappelai à ce bon jeune homme, qu’en lui montrant la veille les trois mille dotis qui se trouvaient dans ma tente, il avait été bien entendu que je payerais mes porteurs moi-même. Il en convint, et me dit, pour se justifier de la rupture du contrat, qu’il désirait vendre son étoffe et non la mienne ; qu’en outre il ne faisait pas d’échange, et que pour sa cotonnade, il voulait du numéraire. Je répondis à mon tour qu’il ne recevrait d’autre argent que celui que je trouverais convenable de lui donner pour le prix de ses services.

L’altercation fut vive et dura plus d’une heure. Le bon jeune homme supplia, se fâcha, versa des larmes, fit vœu de ne plus se mêler de mes affaires, si je ne prenais pas son étoffe. Je ne cédai pas un doti ; et finalement Hadji Pallou, satisfait de la commission qui devait lui revenir, me quitta d’un air radieux, emmenant les trois soldats, et prenant les denrées et le tribut nécessaires à la caravane.

C’était un habile homme que cet Hadji Pallou ; retors en affaire,