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fut mise au rebut, et remplacée par une autre, dont la toile de chanvre, n° 5, défiait la masika,

Nous avions achevé ces différentes besognes ; les quinze jours que m’avait demandés Ben-Sélim étaient écoulés, et pas l’ombre d’un porteur. J’envoyai Mabrouki, l’un des gens de Burton, présenter mes salaams à l’officieux personnage et lui rappeler que je comptais sur les hommes qu’il devait me procurer. « Dans quelques jours vous les aurez tous, » répondit le traître à mon émissaire. « Mais je n’en crois rien, » ajouta Mabrouki, en me rapportant cette réponse. Je l’ai entendu se parler à lui-même et se dire tout haut, croyant être seul : « Pourquoi m’occuperais-je de ce mousoungou ? C’est au djémadar que le sultan l’a recommandé ; je n’ai pas à m’inquiéter de ses affaires. Que Saïd Bargash m’écrive à son sujet, et il aura ses pagazis le lendemain. »

Je montai à cheval, et me rendis chez Ben-Sélim pour lui demander compte de ces paroles. Il m’affirma n’avoir jamais rien dit de pareil ; Mabrouki m’avait fait, disait-il, un mensonge aussi noir que son visage. Jamais homme ne m’avait été plus dévoué ; il se ferait volontiers mon esclave, deviendrait mon pagazi, accepterait sans murmure… J’arrêtai le flot de ses protestations en lui disant que je n’avais besoin de lui ni pour esclave, ni pour autre chose, n’étant pas d’humeur à être servi par qui m’avait trompé ; qu’il ferait bien de ne pas approcher de mon camp, et d’en oublier la route pour lui et pour ceux qui le représenteraient[1].

Les fonctionnaires de Kaolé ne s’étaient pas montrés plus serviables. Le djémadar s’était borné à me faire une visite après la réception de la lettre du sultan ; et Karandji, employé de la douane audit village, n’avait répondu à la requête de son chef en ma faveur que par des signes de tête, des clignements d’yeux et des promesses de la même nature que celles d’Ali-Ben-Sélim. Bref, la quinzaine était perdue.

Dans cette extrémité, je me rappelai que Tarya Topan, le noble Hindi, m’avait proposé d’écrire pour moi à un certain Hadji Pallou, qui, disait-il, bien que très-jeune, n’avait pas son pareil pour

  1. Au lieu d’attribuer les politesses d’Ali à ce que le frère de celui-ci devait être son agent, et loin de trouver dans ce dernier fait une raison de se fier à l’officieux personnage, M. Stanley aurait pu être mis en défiance par les lignes suivantes de Burton : « Une caravane, arrivant de Zanzibar, apporta à Séid l’agréable nouvelle que, le bruit de sa mort ayant couru, son frère, Ali-Ben-Sélim, s’était empressé de faire main-basse sur tous ses bleus. » (Note du traducteur.)