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Shérif. Pendant ce temps-là, celui-ci faisait bombance à mes dépens, mangeant et buvant ce qu’il y avait de meilleur dans la contrée. Il se servit de ma tente jusqu’au jour où, pleine de trous, elle fut hors d’usage. Après avoir passé deux mois dans trois localités différentes, il atteignit l’Oujiji et refusa d’aller plus loin.

« Ici il ne fit que boire, employant mes perles rouges en achat de pombé, de vin de palme et de banane, et restant dans l’ivresse jusqu’à trente jours de suite. Il dépensait par mois, pour lui-même, vingt-quatre mètres de mon calicot, huit pour chacun de ses deux esclaves, huit pour sa femme, huit pour Ahouatie, second chef de la bande ; et lorsqu’il m’envoya sept esclaves de Ladha à Bambarre, il ne m’alloua que deux frasilahs de verroterie la plus commune, évidemment échangée contre mon beau samsam, quelques pièces de calicot, et, par grâce, moitié du café et du sucre. Les esclaves arrivèrent, mais sans la moindre charge.

« Enfin Shérif, comme il a été dit plus haut, vendit tout ce qui restait, excepté le sucre, le café, un ballot de verroterie de rebut et quatre pièces de cotonnade, qu’il consomma ; bref, de toute la cargaison, je n’ai vu ni un mètre d’étoffe, ni un rang de perles.

« Ahoualie, second chef de la bande, témoin de ce pillage, n’a pas ouvert la bouche ni pour blâmer le voleur, ni pour le dénoncer à qui l’avait choisi. Il vous avait caché avec soin une infirmité qui l’empêchait de me rendre aucun service. Ce n’était pas une hydrocèle, mais un sarcocèle dont il était affecté depuis longtemps. Dugambe, un de mes amis, lui offrit de le conduire auprès de moi par petites étapes ; mais il refusa, bien que, de son propre aveu, la douleur dont il s’était plaint jusqu’alors eût cessé. Il n’en croyait pas moins qu’un salaire lui était dû pour le temps qu’il avait passé à dévorer mon bien.

« Dugambe offrit également de se charger d’un paquet de lettres à mon adresse qui avait été remis à Shérif depuis que ce dernier était ici. Mais au moment de partir, quand il réclama les dépêches, rien ne lui fut donné. Il est probable que le paquet avait été détruit, pour que la liste des objets que vous m’aviez envoyés, par un nommé Hassan, ne me tombât pas sous les yeux.

« Avec tous les égards dus à votre décision, je demande que toutes les dépenses figurant à mon compte sur les livres de Ladha soient mises à celui des Banians qui, par fraude, ont converti une caravane destinée à me porter secours, en un moyen de satisfaire leur âpreté au gain. Mohammed Nassar peut dire les noms des autres complices de Shérif. C’est à eux de payer les esclaves de Ladha et tous les frais de route, sauf recours de leur part contre ledit Shérif.

« Je porte plainte du fait au gouvernement de Sa Majesté, ainsi qu’à vous-même, et je crois que vous en recevrez main forte, pour que justice me soit rendue, et pour que la punition qu’ils méritent soit infligée aux Banians, à Shérif, à Ahouatie, aux esclaves de Ladha, à