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Londres, j’eus le mot de l’énigme par une lettre qu’il avait écrite à la Société de géographie, et dans laquelle il disait :

« J’aurais pu revenir par la même route ; mais sans en vouloir à M. Stanley du succès qu’il a si bien gagné, il aurait été pénible pour moi, sinon pour tous les deux, de voyager ensemble ; et il y a peu d’occasions pour aller de Zanzibar en Europe. »

Il m’est impossible d’imaginer dans quel esprit cette lettre a été écrite ; elle est tellement en désaccord avec la nature franche et généreuse de son auteur ! On conçoit la gêne que ma présence aurait pu causer au lieutenant, si quelqu’un en eût pris texte pour faire des comparaisons désobligeantes ; mais pourquoi m’aurait-il été pénible de me trouver avec lui ? je ne le comprends pas[1].

Le 9 juin nous arrivâmes aux Seychelles ; il y avait douze heures que la malle française en était partie. Comme il n’y a de communication que tous les mois entre les Seychelles et Aden, nous louâmes une jolie maisonnette qui fut nommée Livingstone Cottage, et où MM. Charles New, Morgan, Oswald et moi, nous nous établîmes ; M. Henn resta à l’hôtel.

Le souvenir des instants que j’ai passés dans ce cottage est l’un des plus agréables que m’ait laissés mon retour d’Afrique. J’avais là pour compagnons d’honorables gentlemen, de véritables chrétiens. M. Livingstone nous donna maintes preuves d’un aimable caractère, et montra qu’il était un homme sérieux, réfléchi, plein d’ardeur pour l’étude. Quand, au bout d’un mois, le steamer apparut, venant de Maurice, il n’était pas un de nous qui ne regrettât de quitter cette île charmante, et les Anglais de la station, dont l’accueil avait été des plus hospitaliers. M. Hales Franklyn, commissaire civil, et le docteur Brookes, entre autres, nous avaient comblés de politesses ; je saisis cette occasion pour leur en exprimer toute ma reconnaissance.

Arrivés à Aden, les passagers du Sud furent transbordés sur le Mékong, vapeur français, qui venait de Chine et se rendait à Marseille. Dans cette dernière ville, le docteur Hosmer et le représentant du Daily Tekgraph me reçurent avec effusion. J’appris alors comment on qualifiait le résultat de mon voyage ; mais ce ne fut qu’en arrivant à Londres que je pus m’en faire une juste idée.

J’avais promis à Livingstone que vingt-quatre heures après avoir vu ses lettres au gérant de l’Herald reproduites par les journaux anglais, je mettrais à la poste celles qui étaient destinées à sa fa-

  1. M. Dawson s’est pendu aux États-Unis. (Note du traducteur.)