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l’entreprise charitable qui se prépare. À dater de ce jour, il s’occupe de sa tâche avec toute l’énergie qui est dans sa nature, il s’y adonne tout entier, va de Zanzibar à Mombas, d’où il ramène vingt hommes d’escorte, et gagne tous les cœurs par le dévouement qu’il apporte à son œuvre.

M. New a laissé à Zanzibar la meilleure impression ; tous les Européens, qui l’y ont vu, sont intimement persuadés que si je n’étais pas arrivé aussi tôt, il aurait parfaitement conduit l’entreprise. Je n’hésite pas à reconnaître que son énergie et sa longue expérience en faisaient un chef des plus capables.

La grande faute avait été de vouloir fondre en un seul groupe des hommes qui n’avaient entre eux aucune affinité. L’un était ambitieux, positif, emporté, enclin à l’agression ; l’autre, primesautier, actif, d’humeur changeante ; le troisième était énergique, impressionnable, religieux et candide ; le quatrième, à la fois déterminé, ardent et plein de réserve.

New et Livingstone auraient fait merveille ensemble ; le lieutenant Dawson, livré à lui-même, eût réussi, et beaucoup mieux qu’avec n’importe qui ; William Henn, chargé seul du commandement, n’aurait pas failli à son devoir, car le courage et l’honneur étaient ses qualités dominantes ; mais il n’y avait pas de lien, pas d’harmonie possible entre ces hommes de nature opposée, et dont le plus jeune serait resté neutre au milieu de trois factions. S’ils étaient partis, les querelles n’auraient pas tardé à se produire, et le voyage aurait avorté à peu de distance de la côte, ce qui aurait été moins honorable que de ne pas l’entreprendre. Mon arrivée, en lui épargnant cet échec, a rendu service à l’expédition anglaise.

Il est assez difficile de quitter Zanzibar, et cela faute d’occasions. Le lendemain matin de mon arrivée, le Magpie, vaisseau de la marine britannique, sortit du port pour faire une croisière, et avec l’intention de remettre au Wolvérine, qu’il savait devoir rencontrer, des lettres et des dépêches pour les Seychelles et pour l’Angleterre. J’ai appris plus tard que la rencontre avait eu lieu, et que les dépêches avaient été remises.

Il m’a été dit que, même pour emmener Livingstone, un vaisseau de Sa Majesté n’eut pas retardé son départ d’une heure. Si le fait est réel, je ne saurais me formaliser de ce que l’on n’a pas attendu ma lettre. Mais ayant vu le capitaine d’un vaisseau de guerre, de la marine anglaise, chauffer pour se rendre à Bagamoyo, dans le seul but d’y faire une partie de chasse, je trouve singulier qu’un autre capitaine de la même marine n’ait pas pu